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Le Blog de Voltaire

Nous avons passé des mers inconnues pour nous rendre maîtres des trésors des Indiens, sous prétexte de gouverner leurs âmes

Rendons justice à ceux que notre industrie et notre avarice ont été chercher par-delà le Gange : ils ne sont jamais venus dans notre Europe pour gagner quelque argent ; ils n’ont jamais eu la moindre pensée de subjuguer notre entendement, et nous avons passé des mers inconnues pour nous rendre maîtres de leurs trésors, sous prétexte de gouverner leurs âmes.

Quand les Albuquerque vinrent ravager les côtes de Malabar, ils menaient avec eux des marchands, des missionnaires et des soldats. Les missionnaires baptisaient les enfants, que les soldats égorgeaient ; les marchands partageaient le gain avec les capitaines ; le ministère portugais les rançonnait tous ; et des auteurs moines, traduits ensuite par d’autres moines, transmettaient à la postérité tous les miracles que fit la sainte Vierge dans l’Inde pour enrichir des marchands portugais.
Dès que l’Inde fut un peu connue des barbares de l’Occident et du Nord, elle fut l’objet de leur cupidité.
On sait assez qu’à peine on eut passé les mers qui entourent le midi et l’orient de l’Afrique, on combattit vingt peuples de l’Inde dont auparavant on ignorait l’existence. Les Albuquerque et leurs successeurs ne purent parvenir à fournir du poivre et des toiles en Europe que par le carnage.
Nos peuples européens ne découvrirent l’Amérique que pour la dévaster et pour l’arroser de sang ; moyennant quoi ils eurent du cacao, de l’indigo, du sucre, dont les cannes furent transportées d’Asie par les Européens dans les climats chauds de ce nouveau monde ; ils rap- portèrent quelques autres denrées, et surtout le quinquina. Mais ils y contractèrent une maladie aussi affreuse qu’elle est honteuse et universelle, la syphilis.

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