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Le Blog de Voltaire

Toutes les paroles du monde ne sont que de l’air battu

On peut être traduit en justice ou pour des faits, ou pour des paroles.
S’il ne s’agit que de faits dont il n’ait résulté ni mort d’homme ni mutilation, il est évident que vous ne devez faire mourir ni mutiler l’accusé.

S’il n’est question que de paroles, il est encore plus évident que vous ne devez point faire pendre un de vos semblables pour la manière dont il a remué la langue : car toutes les paroles du monde n’étant que de l’air battu, à moins que ces paroles n’aient excité au meurtre, il est ridicule de condamner un homme à mourir pour avoir battu l’air. Mettez dans une balance toutes les paroles oiseuses qu’on ait jamais dites, et dans l’autre balance le sang d’un homme, ce sang l’emportera. Or celui qu’on a traduit devant vous n’était accusé que de quelques paroles que ses ennemis ont prises en un certain sens : tout ce que vous pourriez faire serait aussi de lui dire des paroles qu’il prendra dans le sens qu’il voudra ; mais livrer un innocent au plus cruel et au plus ignominieux supplice pour des mots que ses ennemis ne comprennent pas, cela est trop barbare. Vous ne faites pas plus de cas de la vie d’un homme que de celle d’un lézard, et trop de juges vous ressemblent.

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